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Nuremberg: au cœur du pouvoir du NSDAP

Hitler l’appelait le « Colosse ». Et pour cause : le Palais des Congrès de Nuremberg aurait dû être presque deux fois grand que le Colisée de Rome, sa source d’inspiration. Aujourd’hui, son aile gauche abrite le centre de documentation sur l’histoire du nazisme. Explications.

Centre de documentation sur le site des rassemblements du Parti Nazi

La ville de Nuremberg a longtemps réfléchi à ce qu’elle allait faire des témoins de son lourd passé et notamment du vaste complexe architectural érigé au sud-est de la ville par les dignitaires du parti nazi, le « Reichsparteitagsgelände » (site des rassemblements du parti nazi).

C’est en 1998 qu’elle trouva la solution. Après un remaniement architectural, un centre de documentation sur l’histoire du nazisme vit le jour en 2001 dans l’aile gauche du Palais des Congrès érigé en 1935 par Albert Speer. La flèche de verre et d’acier transperçant cette partie du bâtiment aux dimensions monumentales donnait le ton. Les matériaux choisis par l’architecte autrichien Günther Domenig devaient briser une architecture nazie faite de pierre. L’exposition permanente de ce centre de documentation, intitulée« Fascination et violence », y retrace l’histoire de l’ascension du NSDAP, le parti national-socialiste des travailleurs allemands. Elle raconte aussi comment la ville de Nuremberg est devenue le théâtre principal de gigantesques rassemblements organisés par le parti nazi entre 1927 à 1939.

Nuremberg, lieu de pèlerinage du parti nazi

En convoquant les Congrès du NSDAP à Nuremberg, Hitler avait fait de la cité médiévale le centre idéologique du parti. Pour ce faire, il fallait lui donner les moyens de briller et d’accueillir les fidèles partisans du Führer. Mais très vite, la cité médiévale se trouve confrontée à un problème de taille: sa capacité d’accueil. Face au nombre croissant de visiteurs venus acclamer leur « Führer » (jusqu’à un million de participants), il fallait trouver des solutions. Hitler décida alors de faire construire sur 11 km2 un gigantesque complexe au sud-est de la ville. Entièrement consacré aux rassemblements du parti nazi, ce complexe comprenait 6 bâtiments : un stade, l’arène de Luitpold, la tribune de Zeppelin, le Champ de Mars, la Halle d’Honneur et le Palais des Congrès.

C’est dans ce contexte qu’il faut replacer la construction du Palais des Congrès, qui abrite aujourd’hui le centre de documentation sur l’histoire nazie ainsi que l’Orchestre Symphonique de la ville. Le 11 septembre 1935, Adolf Hitler posait la première pierre de ce colosse de 118 000 m2. Commencée par Ludwig Ruff, la construction de ce vaste amphithéâtre sous forme de U fut poursuivie par le célèbre architecte d’Hitler, Albert Speer. Mais l’imposant Palais des Congrès s’inscrivait dans un complexe architectural beaucoup plus vaste, destiné à la mise en scène du pouvoir nazi.  C’est ce qu’explique Albert Speer: « On nous a confié la tâche, d’influencer des gens, par exemple des gens ordinaires qui participent aux rassemblements de masse à Nuremberg, afin de leur donner une impression de la grandeur de l’Allemagne », peut-on lire dans l’ouvrage « Visite sur site : le site des rassemblements du parti à Nuremberg ». Aujourd’hui même inachevé, ce « colosse » constitue le plus important bâtiment d’architecture national-socialiste encore conservé.

Arcades du Palais des Congres de Nuremberg

Une ville attractive pour les dirigeants nazis

Alors pourquoi Nuremberg ? Il faut dire que la ville de Nuremberg possédait tous les atouts qui la rendait attractive aux yeux des dirigeants de l’époque. La deuxième ville de Bavière avait une position géographique particulièrement intéressante pour l’organisation de ces rassemblements. Et puis surtout, son statut d’ancienne cité impériale était l’instrument rêvé pour la propagande nazie. En tant qu’ancienne capitale du Saint Empire Romain Germanique, elle constituait la coulisse parfaite pour la mise en scène du parti. Le passé impérial de cette ville, considérée comme l’une des trois capitales du Saint Empire avec Francfort et Aix la Chapelle, pouvait parfaitement nourrir le mythe de la supériorité aryenne entretenu par les idéologues du IIIème Reich.

Nuremberg, ancienne cité impériale, de nuit

Car c’est à Nuremberg que fut promulguée la « Bulle d’Or », le premier texte constitutionnel du Saint Empire Romain Germanique. Ville du couronnement des Empereurs, elle est aussi celle qui réunit les représentants de l’Empire au sein d’une diète. Cette tradition fut ensuite poursuivie par l’Empereur Charles Quint qui prit la décision de réunir toutes les diètes impériales dans cette ville.

Pendant la Renaissance, Nuremberg connut aussi un grand rayonnement culturel avec l’apparition de l’imprimerie, des maîtres chanteurs (Meistersinger), des poètes et artistes peintres tels qu’Albrecht Dürer.

Ce passé glorieux, Adolf Hitler a su l’instrumentaliser à merveille. A partir de 1927, le NSDAP avait choisi cette ville pour y organiser tous les ans ses grands rassemblements thématiques. C’est à cette occasion que la réalisatrice Leni Riefenstahl y tourna en 1934 son célèbre film de propagande : « Triomphe de la volonté ».

Comment l’ancienne cité impériale a redoré son blason

Cet engouement pour Nuremberg a marqué au fer rouge la ville qui devint alors tristement célèbre. Lors du 7ème Congrès du parti nazi en 1935, trois textes scellant le processus d’exclusion des juifs ont été adoptés lors d’une session du Parlement organisée dans la ville sur l’initiative d’Hitler.

A la fin de la guerre, Nuremberg devint aussi le théâtre des Procès de Nuremberg. Entre 1945 et 1946, les Alliés y jugèrent 24 des principaux responsables du Troisième Reich.

Longtemps associée à la folie du nazisme, Nuremberg a concentré ses efforts pour laver son image au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. L’ouverture du centre de documentation sur le site des rassemblements du parti s’inscrit dans cette démarche. A ceci s’ajoutent plusieurs initiatives visant à démontrer son engagement pour les droits de l’homme. Lauréate du prix de l’Europe, elle organise tous les deux ans depuis 1995 le Prix International des Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe.

 

 

Depuis septembre 2020 : Visite virtuelle

Depuis septembre 2020, le centre de documentation peut se visiter virtuellement. Suite à la crise du coronavirus, l’exposition permanente est accessible depuis le portail culturel de Google Arts and Culture. (https://artsandculture.google.com/partner/documentation-center-nazi-party-rally-grounds)


Pour plus d’information, voici le site du centre de documentation