Castille-Leon,  Espagne,  Reportages

La colère des mineurs espagnols

Aux Asturies et à Leon, dans le nord de l’Espagne, les mineurs grondent. La cause de leur colère: une réduction de 63% des subventions au secteur minier. Le gouvernement leur avait pourtant promis une réduction progressive des aides. 

Barrages de route, affrontements avec les forces de l’ordre, occupation d’une mine: les mineurs espagnols sont furieux. Par centaines, ils ont décidé de marcher tous ensemble jusqu’à la capitale pour protester. Pour defendre leur secteur, ils sont prêts à lutter jusqu’au bout. Car la réduction drastique des aides publiques, c’est non seulement l’arrêt de mort de la mine mais aussi celui de villages entiers. “Ce serait la perte de 7000 emplois directs et plus de 25 000 indirects”, se lamente Ruben Dario, mineur syndicaliste de 43 ans. 

Mort de la mine

Malgré leur ferme disposition à se battre, les mineurs n’y croient plus vraiment cette fois-ci. “Si le gouvernement coupe les subventions, je pense que la mine va fermer et toute la zone va mourir”, soupire Primitivo Basalo, 40 ans. Lui et sept autres compagnons ont décidé au printemps 2012 de protester en s’enfermant dans la mine de Santa Cruz del Sil, un petit village de mineurs perdus dans la montagne à 120 kilomètres de Leon.

800 mètres sous terre

Pendant 45 jours, ils se sont barricadés à 800 mètres sous terre. Ils y ont construit une espèce de cabane pour se protéger de l’humidité. Sur le visage des mineurs, on peut y lire la fatigue et la perplexité. “Il n’y a plus d’argent pour nous, mais pour les banques, on dépense des milliards”, dit Jose Arauyo, 41 ans, sur un ton exaspéré. Le mineur se déclare “décidé à rester aussi longtemps qu’il le faudra pour faire plier le ministère. Nous ne demandons rien d’extraordinaire, simplement que le gouvernement respecte le calendrier qui a été convenu”. 

Ruben, le mineur syndicaliste, est venu soutenir ses compagnons de lutte à Ciñera, un petit village de 1500 âmes. Encagoulés, armés de lance-pierres et de lance-roquettes artisanaux, les mineurs de Ciñera sont bien décidés à défendre leur gagne-pain.

Barrages de route

Les villageois traumatisés témoignent: il y a trois jours, les barrages de route se sont soldés par une bataille avec la Garde Civile qui “a assailli le village”. “Ils sont rentrés dans les maisons pour chercher les rebelles. Les balles de caoutchouc pleuvaient. Le village était baigné dans un nuage de fumée des bombes lacrymogènes”, raconte Julian Sanchez, un mineur à la retraite. Pendant plusieurs heures les mineurs se sont battus avec les forces de l’ordre. Bilan: deux détenus dont un blessé. 

Encore sous le choc, les gens du village ne peuvent s’empêcher de se souvenir des moments de confrontation qu’ils ont vécu avec le régime franquiste. “La Garde Civile, ce sont des militaires qui emploient les mêmes méthodes que sous Franco”, lance Paco, dont le frère a été blessé lors des altercations avec la police.

Révoltes de 1962

Les mineurs avaient donné du fil à retordre au dictateur lors des révoltes de 1962, “affaiblissant le régime et modifiant l’image du franquisme à l’étranger. Cette vague de contestation sociale fut un moment charnière dans l’histoire de la dictature”, souligne Ruben Vega, historien de l’Université d’Oviedo, auteur de nombreux ouvrages sur les révoltes minières du nord de la péninsule.

Même si elle rappelait cette époque, la Marche Noire sur Madrid de 2012 n’a pas réussi à mettre un terme à un avenir inéluctable: la lente agonie d’un secteur jugé trop coûteux et surtout trop polluant.

Depuis 2016, les mines espagnoles ont d’ailleurs recu des milliards de subventions européennes pour permettre aux mineurs de prendre leurs retraites d’une facon anticipée et créer de nouvelles infrastructures.