Espagne,  Madrid

Les corridas perdent des adeptes en Espagne

La tauromachie: une question qui divise de plus en plus l’Espagne: maltraitance animale pour les uns et fêtes traditionnelles pour les autres. Les spectacles taurins perdent chaque année des spectacteurs.

Un peu partout dans la capitale, une grande affiche a pu récemment surprendre les madrilènes. On y voit un torero avec le pantalon déchiré. A ses côtés, en grosses lettres: « Ne laisse pas la tauromachie avec le cul à l’air. Vote pour San Isidro ». Un slogan un tant soit peu provocateur destiné à attirer les visiteurs lors des prochaines fêtes taurines de San Isidro qui auront lieu entre mai et juin 2019, c’est à dire en pleine campagne pour les élections législatives et municipales.  

L’objectif de cette affiche est double: elle vise en premier lieu à relancer le taux de fréquentation des spectacles taurins, de plus en plus désertés par les espagnols mais aussi à dépolitiser le débat sur la corrida qui affronte les partis de droite à ceux situés à gauche.

Selon le Ministère de la Culture, les espagnols boudent de plus en plus les corridas: 850 000 spectateurs en moins depuis 2010. Car depuis la montée en puissance dans les arènes politiques de partis proches de Podemos, qui souhaitent l’interdiction des corridas, ou d’autres sensibles à la cause animaliste comme PACMA, les espagnols tournent le dos à ce spectacle traditionnel.

Survie d’un secteur

A l’école taurine de la Casa de Campo à Madrid, Rafael de Julia, professeur de tauromachie le confirme: partout en Espagne, des voix s’élèvent pour faire cesser les combats de tauromachie qui sont désormais interdits aux Canaries depuis 2001 et en Catalogne depuis 2010. Rafael se sent triste pour le monde taurin mais aussi pour ses 40 élèves. Ils ont entre 9 et 18 ans et ne rêvent que d’une chose : devenir « matador ».


Pour cet ancien torero de 35 ans, «aucun homme politique ne devrait avoir le pouvoir d’interdire quoi que ce soit, et encore moins les corridas, qui font partie de notre culture et nos traditions ». Pour lui et les afficionados, c’est aussi la survie d’un secteur, qui brasse beaucoup d’argent, qui est en jeu. « Non seulement le taureau bravo pourrait disparaître, mais un nombre incalculable d’emplois dans le secteur », souligne Rafael de Julia.

Une avalanche d’offensives contre la tauromachie

Mort d’une tradition ancestrale pour les uns, fin de la barbarie pour les autres. Dans plusieurs villes espagnoles, le désamour de la corrida ne cesse de gagner du terrain. Les initiatives législatives populaires (ILP) en faveur de l’interdiction des spectacles taurins se sont multipliées. En 2017, la ville de Palma de Majorque a d’ailleurs approuvé en 2017 une loi interdisant la mise à mort de l’animal pendant les corridas qu’elle a prohibées aux moins de 18 ans.

Dans d’autres villes où la gauche a pris le pouvoir, les anti-taurins gagnent du terrain : A La Corogne, où « Marea Atlántica » a remporté la mairie, le contrat des arènes où se célébraient les fêtes taurines a été suspendu « pour des raisons d’intérêt public » et les corridas annulées. A Valence, « Compromis » a déclaré que les corridas ne seront plus subventionnées, de même que les écoles taurines ou les bars d’afficionados tandis que la ville d’Alicante réclame son interdiction.

Madrid, le haut-lieu de la tauromachie

Le monde taurin a désormais les yeux tournés vers Madrid, considéré comme le temple de la tauromachie. Sa « Plaza de toros », située à las Ventas, est la plus importante de la péninsule et peut accueillir jusqu’à 23 000 spectacteurs.

Mais depuis juin 2015, la capitale a choisi pour maire Manuela Carmena, la candidate d’Ahora Madrid, une formation de gauche anti-libérale, proche du parti Podemos. Ici, le monde taurin craint que la maire puisse porter l’estocade au secteur. Selon la presse espagnole, la nouvelle édile souhaiterait faire de la capitale « la ville amie des animaux » et éliminer les aides municipales aux corridas. Les jours de l’école taurine de la Casa de Campo sont d’ailleurs certainement comptés. En juillet 2016, la mairie de Madrid avait coupé le robinet d’une subvention de 61 000 euros versée chaque année à cette académie de matador. En 2018, la société privée chargée des cours devait quitter les lieux pour que la mairie puisse récupérer cette ferme classée patrimoine d’intérêt. Mais professeurs et afficionados avaient fermement protesté contre la décision de fermeture et refusaient de rendre les clés des installations situées à la Venta del Batán. Après un bras de fer, la mairie de Madrid a fini par céder et a renouvelé son contrat d’utilisation des installations avec l’école de tauromachie pour une année supplémentaire. L’affaire est à suivre.