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Ravensbrück : un enfer pour femmes

Quand on descend de la gare de Fürstenberg, une petite station thermale située à 80 kilomètres au nord de Berlin, rien ne laisse deviner que derrière le magnifique lac de Schwedt se cache le camp de concentration de Ravenbrück, le plus important camp pour femmes du Troisième Reich. 

 

Photo Kommandatur
Devant la Kommandatur du camp de concentration pour femmes de Ravensbrück

 

Une région magnifique au beau milieu des lacs: c’est dans ce cadre de rêve que va se jouer une terrible tragédie. Au beau milieu de la « région des mille lacs » du plateau de Mecklenbourg, pas très loin du village d’Himmelpfort (la porte du Paradis), la station balnéaire de Fürstenberg va en effet devenir de 1939 à 1945 le théâtre d’atrocités.

L’enfer au paradis

C’est dans cette région d’une grande beauté que les nazis ont choisi d’y créer un enfer pour des femmes de toute l’Europe. Cet enfer, qui vit le jour en 1938 sur les berges même du lac de Schwedt, à quelques mètres du centre ville de Fürstenberg, devait devenir le plus grand camp de concentration pour femmes, connu sous le nom de Ravensbrück.

 

 

Selon Sarah Helm, l’auteure du livre « Si c’est une femme. Vie et mort à Ravensbrück », la beauté naturelle de la région avait influencé le choix d’Himmler, le maître absolu de la SS et chef d’orchestre de l’univers concentrationnaire du Troisième Reich. « Dans son idée, la purification du sang allemand devait commencer près de la nature …. », souligne l’auteure de l’ouvrage. Sa situation géographique était aussi très pratique pour celui qui régnait sur un empire concentrationnaire en pleine expansion. Non loin de là vivait son ami d’enfance Karl Gebhardt, directeur de la clinique SS de Hohenlychen, située à 8 kilomètres de Ravensbrück. C’est aussi à Hohenlychen qu’Himmler allait rejoindre en cachette sa maîtresse et secrétaire Hedwig Potthast.

L’usine de mort pour femmes

Pour la petite ville de Fürstenberg, l’ouverture du camp « était synonyme d’emploi et de commerce », raconte Sarah Helm. «Les habitants de Fürstenberg, dont dépend le petit bourg de Ravensbrück virent des péniches chargées de matériaux de construction remonter la Havel. Les enfants racontèrent à leurs parents qu’ils avaient vu des hommes en tenue rayée qui abattaient les arbres », explique l’auteure du livre. Ces hommes en tenue rayée, c’était les prisonniers du camp de Sachsenhausen, situé à 60 km plus au sud. C’était à eux qu’on avait confié les travaux de construction du nouveau camp. 

 

Le camp de Ravensbrück fut ouvert au printemps 1939 juste avant que la guerre éclate. Il pouvait accueillir environ 1000 femmes sur une superficie de deux hectares. Au fur et à mesure que le chef de la police Heinrich Himmler peaufinait les contours du processus d’extermination, le camp fut agrandi. 

Le Mémorial National de Ravensbrück estime qu’entre 1939 et 1945, « 120 000 femmes et enfants, 20 000 hommes, 1200 adolescentes y ont été enregistrés comme détenus ». Une grande majorité d’entre eux n’a pas survécu aux sévices infligés par les nazis. L’écrivain Sarah Helm pense qu’entre « 30 000 et 90 000 femmes y auraient trouvé la mort ». Parmi les détenues françaises les plus célèbres, on compte Geneviève De Gaulle-Anthonioz, la nièce de Charles de Gaulle, Germaine Tillion, une ethnologue française et son amie Denise Vernay, la sœur de Simone Veil. Elles ont toutes survécu aux mauvais traitements subis dans ce camp.

 

 

Kommandatur
Devant la Kommandatur de Ravensbrück

Augmentation du nombre de détenues

Au fur et à mesure de son agrandissement, le camp connut aussi une évolution de sa population de détenus. Au début, la majorité des prisonnières était d’origine allemande : elles étaient opposantes au régime, communistes ou Témoins de Jéhovah. Il y avait aussi des prostituées raflées dans les bordels, des criminelles, des handicapées, des sans-abris et des femmes tsiganes. Plus les nazis étendaient leur influence en Europe pendant la guerre, plus la population de Ravensbrück se diversifiait en terme de nationalités. 

Au camp de femmes s’ajoute à partir de 1941 un camp de 20 000 hommes et en 1942, c’est un camp pour 1000 jeunes délinquantes qui ouvrira ses portes non loin de là. 

Esclaves et cobayes

Le camp de Ravensbrück va utiliser ces femmes pour les faire travailler jusqu’à l’épuisement en les asservissant au service de l’industrie du pays, notamment celle de l’armement. Non loin du camp, l’entreprise Siemens y fit construire des ateliers pour profiter de cette main d’œuvre féminine pas chère.

Utilisées comme des « lapins » pour mener à bien des expériences médicales inhumaines, les femmes de Ravensbrück ont aussi été obligées à se prostituer au sein des bordels créés par les nazis dans le but d’augmenter la productivité des prisonniers méritants. 

Puis fin 1943, le camp se dote d’un premier crématoire puis en 1944 d’un deuxième. Ravensbrück devient alors une véritable usine de la mort.

En 1945, les 45000 prisonnières et 5000 prisonniers du camp de Ravensbrück furent libérés par les troupes soviétiques. 

 


Informations

Inauguration d’une exposition sur les femmes gardiennes du camp le 13 septembre 2020

Pour en savoir plus sur l’exposition, consulter le site du Mémorial National de Ravensbrück ou lire l’article intitulé « Les femmes gardiennes de Ravensbrück »