Andalousie,  Espagne

Rodalquilar n’a pas exploité tous ses filons

A flanc de montagne, les bâtiments en béton d’une usine fantôme surplombent le petit village de Rodalquilar près d’Almeria en Andalousie. Ces bâtiments en ruine surplombant de larges réservoirs sont les vestiges d’une ancienne usine de traitement de l’or. Aujourd’hui, le village en ruine se prépare à une nouvelle ruée vers l’or gris des riches retraités, à l’image du modèle californien.

Il était une fois la ruée vers l’or

Des bâtiments à l’abandon et des grands bacs en béton destinés à la cyanurisation du minerai précieux témoignent de la fièvre de l’or qui s’est emparée de ce petit village à la fin du 19ème siècle.

Tout a commencé en 1883 avec la découverte du filon de « las Niñas ». Mais l’or, incrusté dans le quartz, doit être envoyé en Belgique ou en Allemagne pour extraire le précieux minerai. Un processus relativement onéreux et donc peu rentable.

En 1915, la découverte d’un nouveau gisement plus facile à exploiter dans la mine « Maria Josefa » permet aux chasseurs d’or locaux d’investir dans des petites installations d’extraction à pied de mine. Mais ce n’est qu’à partir de l’investissement d’entreprises européennes que l’exploitation minière commence à vraiment donner des résultats. La société Minas de Rodalquilar S.A. y fait construire l’usine de cyanurisation Dorr. Mais il faudra attendre 1943 pour assister au vrai boom avec l’entreprise publique Adaro. En 1956, Franco en personne vient même inaugurer à Rodalquilar la nouvelle usine de traitement Denver. Les nouvelles techniques d’exploitation et l’investissement massif dans les infrastructures minières permettent de faire doubler la production d’or jusqu’à 5000 tonnes par an.

La fermeture des mines laissent un paysage désolé

Devant les installations en ruine de l’usine de traitement aurifère, José, petit-fils de mineur, se souvient de l’incessant va et vient de camions chargés de pierres extraites de la montagne à coup d’explosifs. « Mon grand père concassait les pierres qui ensuite étaient stockées dans les bâtiments de l’usine. Puis les pierres étaient déposées dans les grands bacs remplis de cyanure pour les ramollir avant d’être transformé en lingots ». Il raconte en souriant que c’était son oncle qui « emmenait les lingots deux fois par semaine à la Banque d’Espagne. Ils étaient cachés dans un double fonds, directement sous le siège du conducteur ».

C’est avec une certaine nostalgie qu’il se rappelle de cette époque pleine de vie: « Avant, il y avait 1500 personnes qui vivaient ici, maintenant, il ne reste plus que 100 âmes à tout casser ». Devant les ruines des maisons abandonnées, José soupire : « Des écoles, il y en avait à la pelle : quatre pour tout le village ».

« A la fermeture des mines, les familles de mineurs voulaient rester ici mais les autorités locales sont arrivées un beau jour avec des bulldozers et ils ont tout détruit. Regardez, quel gâchis », dit –il en haussant les épaules tout en pointant du doigt les maisons délabrées des mineurs.

Située à l’écart, la maison de son grand-père a été épargnée. Une chance pour José qui ne retrouve plus de travail depuis deux ans déjà. Il est retourné vivre dans la maison où il a grandit.


Rodalquilar préfère exploiter le filon du tourisme et des riches retraités

Même au chômage, José ne regrette pourtant pas le départ des compagnies d’exploitation aurifère:  «Mon grand père est mort peu de temps après sa retraite, de silicose », explique-t-il. « Les mineurs travaillaient dur, de l’aube jusqu’au coucher du soleil, en été, c’était plus de 12 heures par jour », raconte-t-il.

Le tout pour un salaire de misère : «Ma grand-mère était obligée de travailler dans les champs. Le salaire de mon grand-père n’était pas suffisant pour nous nourrir».  

A Rodalquilar, il n’est pas le seul à ne pas souhaiter le retour des compagnies d’extraction. « On ne tient pas trop à ce que les multinationales viennent extraire l’or car Rodalquilar se trouve en plein coeur du Parc Naturel de Cabo de Gata », souligne Jesus, un employé du musée de la mine, désormais installé dans l’ancienne fonderie.


Pourtant régulièrement, des entreprises prospectent pour étudier une éventuelle réouverture de la mine car selon certains, les superbes montagnes d’origine volcanique regorgeraient encore de ce minerai. En 1989, l’entreprise américaine St Joe Transaction avait tenté l’aventure mais elle abandonne le projet la même année suite à la chute des prix de l’or.

Comparées aux mines d’or du Pérou, celles de Rodalquilar ne sont pas assez rentables. L’extraction de son or, incrusté dans une pierre de quartz très dure, est bien trop onéreuse. Rodalquilar préfère donc désormais exploiter d’autres filons, comme le tourisme ou le cinéma. De nombreux réalisateurs continuent à tomber sous le charme de l’usine Denver. En 1989, c’est ici que Steven Spielberg y a planté son décor pour tourner Indiana Jones et la Dernière Croisade.

Selon le journal local « Noticias de Almería », la maire socialiste de Nijar, Esperanza Pérez Felices, a découvert pour ce village un nouveau filon: celui des maisons de retraite haut de gamme inspiré du modèle californien.

L’édile aurait d’ailleurs en avril 2019 soumis au gouvernement régional de l’Andalousie une demande pour lui céder les terrains de l’ancien village de mineurs, actuellement propriété de l’entreprise publique Adaro. Son idée: restaurer les maisons abandonnées pour y créer des résidences de luxe destinés aux riches retraités, notamment du Nord de l’Europe. Une facon, selon elle, de « créer des emplois stables pendant toute l’année car on aura besoin de personnel qualifié tels que des médecins, des infirmières, des physiothérapeutes, des travailleurs sociaux ou des aides à domicile ».