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Amor de Dios, le temple du flamenco

La plus vieille académie de flamenco se trouve en plein coeur de Madrid. Elle s’appelle Amor de Dios. C’est aussi la plus réputée. Les élèves viennent du monde entier pour y suivre les cours d’illustres professeurs tels que Cristobal Reyes ou Alfonso Losa. Plus que le flamenco, on y apprend la liberté.

 

Au beau milieu des échoppes de poissons, légumes, fromages et viandes, de la calle Santa Isabel, un marché couvert abrite un secret bien caché. Au premier étage d’un petit édifice situé dans le quartier populaire de Lavapies, se trouve le temple du flamenco espagnol.

Marché couvert d’Anton Martin


L’école la plus ancienne

C’est dans cette académie créée dans les années 50 par Antonio Ruiz, surnommé Antonio le danseur, que les grands du flamenco se sont formés : Antonio Gades, Joaquin Cortes, La Tati, jusqu’à Maria Pages… pour n’en citer que quelques-uns.

Son directeur Joaquín San Juan est formel: «C’est l’académie la plus ancienne de tout le flamenco ». Joaquín a d’ailleurs sauvé cette école emblématique de sa fermeture définitive en 1993. Pourtant, cet asturien avoue qu' »il détestait le flamenco dans sa jeunesse ».  Joaquín a bien changé depuis et a même présidé la fédération des clubs d’aficionados, des mordus du flamenco.

Lorsque dans les années 90, le bâtiment de l’ancienne école située dans la rue Amor de Dios est mis en vente, Joaquín s’est retrouvé à « la tête du mouvement pour lutter contre sa fermeture ». Pour lui, pas question de renoncer à cette école de danse devenue célèbre grâce à ses maestros. Sans compter les films cultes comme « Les noces de sang » et « Carmen » de Carlos Saura ou une « Ame de Gitane » de Chus Gutiérrez, qui ont choisi cette académie comme enceinte de tournage.

Lui et ses aficionados ont donc décidé de créer une société limitée, grâce à laquelle ils ont pu « obtenir des crédits pour les nouvelles installations ». Le nouveau siège déménage quelques mètres plus loin dans la Calle Sante Isabel, au dessus du marché couvert d’Anton Martín. C’est à cette adresse qu’elle se trouve encore actuellement.


L’académie de la liberté

Depuis, le centre est complètement privé et Joaquin estime qu’il en est mieux ainsi car selon lui, le flamenco et les administrations ne font pas bon ménage. « Le flamenco, c’est avant tout la liberté, un cri contre les élites espagnoles », souligne-t-il.

« Le flamenco n’est pas basé ni sur la hiérarchie du pouvoir ni sur l’argent. Il exprime la rage de liberté et la compassion profonde », insiste-t-il. C’est sur ces principes que Joaquin San Juan a voulu faire évoluer son académie. Ici, pas de formation en terme de carrière universitaire comme au conservatoire, « c’est l’élève qui décide toutes les semaines s’il renouvelle son engagement auprès de son maestro », explique-t-il. Sa formule a fait mouche car des élèves du monde entier viennent ici assister aux cours.

Alfonso Losa, 34 ans, qui y enseigne depuis dix ans, le confirme : « C’est la seule école au monde où il n’existe aucune direction. Depuis ses origines, c’est l’académie où il y a le plus de liberté. »