Espagne,  Madrid,  Reportages,  Voyages

Le mystère de la tombe de Cervantes

Des chercheurs pensent avoir retrouvé les ossements de Miguel de Cervantes, l’illustre auteur du Don Quichote de la Manche.


Sur la facade de l’église des Trinitaires au coeur du centre historique de Madrid, on peut lire l’inscription suivante: “A Miguel de Cervantes de Saavedra, qui par ses dernières volontés git dans ce couvent de l’ordre des Trinitaires”.

Quatre siècles après la mort de l’auteur du célèbre Don Quichote de la Manche, les espagnols ne savent toujours pas où gisent les dépouilles de leur illustre écrivain. C’est ce mystère qu’ont voulu percer l’historien Fernando Prado, l’anthropologue Francisco Etxebarria et le spécialiste en géoradar Luis Avial. “L’Espagne est le pays de l’oubli. En plus, il n’y avait pas encore la technologie adéquate pour bien identifier le corps”, explique Luis Alvia. 

Sans connaître exactement l’emplacement de la tombe, des fouilles s’avéraient impossibles dans cette petite église du 17ème siècle inscrite au patrimoine de la ville. L’église était adossée à un couvent, qui était alors encore habité par des religieuses dans le quartier de “Las Letras”. 


Recherches au géoradar

Mais grâce aux recherches menées avec un géoradar, des caméras infra-rouges et des scanners en 3 D, Luis Avial et son équipe ont désormais détecté quatre zones où pourrait être enterré le prince de la littérature espagnole aux côtés de cinq autres personnes. “On n’a jamais réalisé une recherche aussi exhaustive. On a passé chaque 30 centimètres au crible fin”, souligne Luis.

L’historien Fernando Prado explique que l’excavation du corps “se fera d’une facon chirurgicale pour éviter de creuser dans toute l’église”. Les ossements seront confiés ensuite à une équipe d’anthropologues qui les analyseront en laboratoire. 


“Nous cherchons un individu d’environ 70 ans avec de l’arthrose dans le dos, une lésion à la main gauche et blessé à la poitrine », souligne Fernando Prado. Des blessures que l’illustre écrivain auraient contractées pendant la bataille de Lépante en 1547 contre les turcs, précise l’historien. 

Celui-ci a d’ailleurs réussi une prouesse. Pour retrouver les restes de l’illustre écrivain, il a notamment obtenu le soutien de l’Académie Royale de l’Histoire, de l’Académie des Langues, des religieuses puis de la mairie de Madrid. “Pendant quatre ans, Fernando a travaillé comme une fourmi pour avoir les autorisations. Personne n’osait le faire”, raconte Luis Avial, en rappelant le cuisant échec subi par un autre groupe de chercheurs qui avaient tenté de retrouver la dépouille du peintre Velazquez. “Depuis l’administration avait peur d’être ridiculisée”, souligne-t-il. 


Acte de décès

Mais Fernando et Luis en étaient persuadés: le corps de Cervantes se trouvait encore à l’intérieur de cette église. C’était ce que disait un acte de décès retrouvé dans une paroisse voisine. Pour les chercheurs, une évidence: Cervantes a protégé le couvent. Ils se rappellent notamment de l’attitude de Napoléon lors de son occupation. “Napoléon n’y avait pas touché car il savait que Cervantes y était enterré”, affirment-ils. 

Pour lever le voile sur ce mystère, la mairie de Madrid a cédé 12.000 euros aux chercheurs. Ces derniers pensent que l’opération coûtera bien plus. Au moins 100.000 euros, ont-ils estimé. Mais le prix en vaut bien la chandelle, affirme Luis Avial: “A partir de ce moment là, l’histoire du quartier va complètement changer. Il y aura beaucoup de touristes qui viendront”. Et cette découverte pourrait bien servir lorsque Madrid célébrera en 2016 les 400 ans de la mort du romancier universel.

Date de publication: Juin 2008 – Ouest France