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Médias suisses : Plus de lecteurs mais chute des revenus

Malgré une consommation accrue d’informations pendant la crise du coronavirus, les revenus n’ont pas augmenté pour les médias helvétiques. C’est le constat du rapport annuel « Qualité des médias» publié en octobre 2020 par l’Université de Zurich.

Le centre de recherche sur la vie publique et la société, fög, (Forschungszentrum Öffentlichkeit und Gesellschaft) de l’Université de Zurich a présenté le 26 octobre dernier ses conclusions. Si la crise du coronavirus a suscité «un intérêt accru et une plus importante utilisation des offres d’informations, notamment chez les jeunes », cet engouement n’a pourtant pas amélioré les revenus des médias. Bien au contraire, la «précarité financière du journalisme d’information» s’est révélée au grand jour, souligne le rapport annuel du centre de recherche zurichois.

«La crise du coronavirus aggrave encore davantage une situation financière précaire depuis longtemps déjà », observe Mark Eisenegger, le Directeur du centre de recherche fög.  Des maisons d’édition suisses ont ainsi poursuivi les mesures de réductions de leurs coûts. «Certains médias d’informations tels que Micro, CNN Money Switzerland ou Le Régional ont dû cesser leurs activités», remarquent les chercheurs de fög.

Pour les auteurs de l’étude, l’augmentation du nombre d’utilisateurs n’a tout simplement pas compensé la chute des revenus publicitaires », qui continuent de s’effondrer.

Changement des codes de consommation chez les jeunes

Les chercheurs zurichois donnent plusieurs raisons à ce phénomène : tout d’abord «la disposition à payer pour du contenu reste faible». De jeunes adultes interrogés pour le rapport considèrent même «l’accès gratuit à des articles de société comme un droit fondamental».

Et puis, l’engouement pour ces informations reste ponctuel chez ces jeunes qui, pour la plupart, font partie des groupes des « indigents médiatiques » ou  des «global surfers». Selon le centre de recherche, ces deux groupes ont sensiblement augmenté en Suisse entre 2019 et 2020. Les statistiques du fög font état d’une augmentation des « indigents médiatiques » de 21 à 37% en un an.

Ces consommateurs d’information ont «une idée bien précise de ce qu’il considère être de l’actualité, c’est à dire des informations importantes sur l’histoire mondiale actuelle», précise le rapport annuel. En d’autres termes, ces groupes s’intéressent à l’actualité quand elles correspondent aux valeurs de leur communauté ou «lorsqu’il existe un potentiel de mobilisation», comme par exemple suite aux mouvements sociaux #Metoo ou Friday for Future.

Engouement pour les plateformes audiovisuelles

Autre particularité de ce groupe, sa consommation privilégiée d’images, de vidéos et d’audios sur des plateformes telles que YouTube ou Instagram. «Une présentation audiovisuelle est un critère important pour ce groupe d’utilisateurs et suscite son intérêt», observent les chercheurs zurichois.

Pour faire face à cette situation, le centre de recherche préconise un « Spotify pour le journalisme », c’est-à-dire la création d’une plateforme regroupant différents contenus médiatiques payants. Si l’étude zurichoise pointe du doigt le problème du désengagement démocratique issu de cette manière de consommer l’information, elle conclue pourtant avec une note optimiste. Elle parle du «potentiel inassouvi, pour conquérir ces cibles de jeunes au journalisme». «Encore plus important, c’est de souligner le rôle crucial joué par le journalisme pour la démocratie et la société». Pour Mark Eisenegger, «un soutien plus direct des médias reste donc nécessaire que ce soit pour la presse écrite ou les médias en ligne».

 

Publié le 4 novembre 2020

Source Photo: Michael Gaida, Pixabay

Plus d’information sur le site de l’Université de Zurich: Rapport 2020 sur la Qualité des Médias