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Revenir pour voter

A la veille des élections législatives de 2015 en Espagne, les jeunes actifs expatriés, les trentenaires et quadragénaires qui ont fui la crise économique de 2008, reviennent. Un enjeu électoral, notamment chez Podemos. 

«Revenir pour voter, voter pour revenir », tel était le slogan de la campagne lancée par le parti antilibéral Podemos à la veille des élections du 20 décembre 2015. L’objectif : « rendre visible les centaines de milliers de citoyens qui ont dû abandonner le pays pour des raisons économiques ». Il serait plus de deux millions d’exilés, soutient le parti. 

Des données officielles peu précises 

Des chiffres reflétés également par l’Institut national des statistiques au premier janvier 2015. Pourtant, les données officielles ne sont pas exhaustives, car « tous ne s’enregistrent pas au consulat », explique Raúl Gil, un quadragénaire espagnol qui est parti vivre à Berlin en 2012, car il ne supportait plus l’ambiance qui régnait dans son pays : la corruption, la crise, la politique. « Il y avait de l’agressivité dans l’air, et beaucoup de compatriotes ont fait comme moi. À l’étranger, il n’y avait pas la pression familiale, et ils préféraient partager des appartements plutôt que de vivre chez leurs parents », souligne-t-il. Selon le quotidien en ligne Eldiario.es, la chercheuse Amparo Gonzalez Ferrer, auteur du rapport « La nouvelle émigration espagnole » publiée par la Fundación Alternativas, estime qu’ils seraient environ 700 000 à avoir quitté le pays entre 2008 et 2012, alors que les chiffres officiels ne parlent que de 225 000 émigrés pendant cette période. 

Tendance à la hausse 

De son côté, la fondation privée Assempleo a compté que 80 141 personnes ont émigré en 2014, soit 185 % de plus qu’en 2007. Cette tendance à la hausse, Raúl, co-fondateur de la « Red » (Le réseau), une association d’aide et de conseils à l’immigration espagnole en Allemagne, l’a aussi constatée ces dernières années. « De plus en plus d’Espagnols venaient s’installer en Allemagne, et nous avons créé cette association pour remplir le vide existant entre les informations officielles et celles qui circulaient sur Internet ». Il y a quelques mois, Raúl est revenu en Espagne avec un travail sous le bras : dans une maison d’édition madrilène. « J’avais le mal du pays» et puis «j’ai vu que les gens se mobilisaient, et désormais, il y a de nouveaux partis », dit-il. 

Certains d’entre eux, comme Podemos, réclament d’ailleurs des « politiques au retour », avec une reconnaissance « des titres et de l’expérience profes- sionnelle acquis à l’extérieur dans l’accès à des emplois publics », et « des années de cotisations dans les autres pays de l’UE ». 

Raúl estime que la campagne sur le retour des Espagnols au pays est un thème purement électoraliste. « Il ne suffit pas de créer des postes de travail, mais de créer une ambiance qui donne envie de revenir », dit-il.

Yolanda Muñoz, 35 ans, également engagée dans la Red, a décidé, elle, de rester à Berlin. Partie en 2012 parce qu’elle ne trouvait pas de travail en Espagne, Yolanda ne voit pas encore le moment du retour arriver. « J’aimerais bien, car mes amis, ma famille me manquent, mais ici, je grandis. Revenir maintenant en Espagne, ca serait rétrograder », dit-elle.

Pour en savoir plus, lire: L’Espagne veut récupérer ses jeunes cerveaux