Andalousie,  Espagne

Somonte, les irréductibles de la terre

Située en pleine campagne andalouse à 11 kilomètres de Palma del Rio, entre Séville et Cordoue, la ferme de Somonte fut entre 2012 et 2017 le symbole de la rébellion des agriculteurs saisonniers.

Au printemps de 2012, 500 ouvriers agricoles au chômage décident d’occuper une ferme appartenant au gouvernement andalou. Pour survivre en temps de crise, ils réclament le droit de cultiver plus de 400 hectares de terre agricole.

La terre est un droit

Fin 2011, une décision du gouvernement andalou met le feu aux poudres. Pour renflouer ses caisses, la « Junta » décide de mettre aux enchères 22 000 hectares de terrains publics. Pour les ouvriers agricoles, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. « La terre est un droit, elle est faite pour vivre et manger, pas pour spéculer », s’indigne Lola Alvarez, porte-parole de la rébellion paysanne.

Lola aime cette terre qu’elle cultive depuis l’âge de 16 ans. « On ne pouvait tolérer cette situation, on n’allait pas accepter que ces terres tombent dans les mains de grands propriétaires terriens », s’indigne-t-elle. Une situation encore plus inacceptable pour des ouvriers agricoles, particulièrement touchés par la crise espagnole dans une région où le chômage frappe 35% de ses actifs, soit neuf points de plus que la moyenne espagnole. En colère, des saisonniers agricoles décident alors, en mars 2012, d’occuper cette propriété publique en jachère.

Contre les latifundia

Sur les murs blancs du hangar principal, on peut lire les motifs de leur combat « Andalous, n’émigrez-pas, battez-vous. Cette terre est la vôtre, récupérez-la! » Lola se dit outrée par les « latifundia », ces immenses exploitations qui « mettent sous pression les saisonniers et s’enrichissent avec les subventions de la PAC ».  Un de ses compagnons de lutte, Javier Ballestero, 49 ans, acquiesce et pointe du doigt le terrain adjacent, propriété de la duchesse d’Alba, qui percoit, selon lui, « 5600 euros par jour » au titre de subventions. Une situation inadmissible alors que « 35.000 petits agriculteurs disparaissent chaque année », s’exclame l’ouvrier agricole.

Malgré la chaleur accablante, les occupants s’affairent fiévreusement au potager où ils ont cultivé des pieds de tomate et autres légumes. Ils ont mis la terre en culture, pour fournir du travail et nourrir les agriculteurs du coin. « Nous ne sommes plus disposés à dépendre d’un propriétaire terrien. Nous n’acceptons plus d’être traités comme des esclaves », martèle l’ouvrière agricole, engagée depuis treize ans dans le Syndicat andalou des travailleurs (SAT).

Pas peur de l’expulsion

Pour ces irréductibles de la terre, les occupations ne sont pas un phénomène nouveau mais jusqu’à l’effondrement de l’économie espagnole, elles étaient surtout symboliques. À Somonte, Lola et ses camarades n’ont aucune intention de décamper. Même pas peur de l’expulsion: « Ils ont essayé il y a un an de ça, dit-elle. Mais nous sommes revenus dès le lendemain. Nous résisterons jusqu’au bout. »

Mais en juin 2017, les rebelles ont dû quitter la « finca » après une intervention de 16 agents de la Garde Civile. C’était la quatrième fois que les forces de l’ordre avaient fait déguerpir les occupants. En partant, ils ont promis de revenir pour une cinquième occupation.