Andalousie,  Espagne

Un monstre de béton amené à disparaître d’une plage andalouse

Après une décennie de litige, les écologistes ont eu gain de cause. L’hôtel Algarrobico, le monstre de béton de 21 étages, construit sur une plage d’un parc naturel en Andalousie, sera détruit. C’est ce qu’a décidé le Tribunal Suprême Espagnol en février 2016. Sa démolition n’a cependant pas encore commencé.

Le mastodonte se trouve à 16 km de Carboneras, un ancien village de pêcheurs devenu un haut-lieu touristique. C’est sur la plage même où David Lean avait tourné en 1962 des scènes de son film culte Lawrence d’Arabie qu’un énorme bloc de béton est venu défigurer de ce lieu alors sauvage. En 2003, la folie de la construction immobilière arrachait 20 000 mètres cubes de montagne pour y loger le colosse de béton.

Une aberration urbanistique

Luis Vilar, volontaire de Greenpeace, raconte l’impuissance qu’il a ressentie en 2003 quand il a vu les excavatrices creuser dans la montagne, lui arrachant des pans entiers. Comment stopper un tel désastre naturel ? Cette année là, un promoteur posait en plein coeur du parc naturel de Cabo de Gata-Nijar la première pierre d’un hotel gigantesque de 21 étages sur la plage de l’Algarrobico, à moins de 50 mètres de la mer. Indignés, les écologistes locaux entament un bras de fer avec le promoteur Azata del Sol. Ils demandent l’arrêt immédiat de cette « aberration urbanistique ». Mais le mal était fait. La montagne avait déjà perdu la moitié de son flanc et la construction avait commencé.

Aujourd’hui, outre quelques touristes errant sur la plage, pas âme qui vive. Seules 4 grues à l’arrêt s’élèvent comme une menace derrière ce monstre de béton. Sur la facade inachevée, on peut lire en énormes lettres noires, l’inscription « Illégal », souvenir du combat mené par les activistes de l’organisation écologiste Greenpeace férocement opposés à la construction de l’hôtel. Les activistes avaient peint cette inscription lors d’un coup médiatique.

Premières victoires des défenseurs de l’environnement

En 2005, les écologistes remportent une première victoire : la justice leur donne raison en vertu de la loi sur le littoral de 1988 qui interdit de construire à moins de 100 m de la mer. Pendant plus de 10 ans, les défenseurs de l’environnement réclament la destruction de l’hôtel. Mais la justice est lente et détruire ce mastodonte de béton coûterait beaucoup d’argent. La facture de la démolition est estimée à des dizaines de millions d’euros sans compter le coût du transport des 65 000 m3 de gravats, la future réhabilitation du terrain ainsi que l’indemnisation réclamée par le promoteur de l’hotel Azata del Sol.

 

Permis de construire pour se financer

Pour mener à bien son opération urbanistique, le promoteur avait d’ailleurs obtenu tous les permis de construire. Greenpeace et les villageois évoquent les intérêts de l’ancien maire, qui a régné sur Carboneras pendant vingt-huit ans. Luis Vilar explique : « À Carboneras, on regardait avec envie le développement du tourisme de masse du village voisin Mojacar. Ceux qui soutenaient le projet disaient que ça allait donner du travail. » En fait, cela faisait vivre la municipalité qui, comme dans le reste de l’Espagne, rendait les terrains constructibles pour se financer. Selon Pilar Marcos, responsable des côtes à Greenpeace, « l’Algarrobico n’est que la pointe de l’iceberg d’un projet qui prévoyait la construction de sept hôtels et d’une zone résidentielle avec son terrain de golf ».

Autre modèle possible pour Carboneras ?

« L’hôtel a fait beaucoup de mal à Carboneras », regrette Salvador Hernández, le nouveau maire de la ville qui a pris ses fonctions en mai 2011. Il espère bien qu’on cessera un jour d’associer sa municipalité aux abus urbanistiques.

Jesus Contreras, guide touristique du parc naturel, regrette aussi le temps où peintres et artistes européens venaient se perdre dans ce petit village de pêcheurs, se délecter sur les plages désertes et multiples criques du parc naturel. Il aimerait que son pays soit capable de développer un autre modèle touristique que celui du tourisme de masse.

Publié en août 2011, Ouest France, actualisé en 2019